INTERVENTIONS SUR LE MUR EN PIERRE SÈCHE
DU CLOS DE L'ABBAYE DE GANAGOBIE (ALPES-DE-HAUTE-PROVENCE)

Sealing breaches in the dry stone masonry
ot the walled vineyard of the Ganagobie abbey, Alpes-de-Haute-Provence

Stéphane Ledoux

Le mur de clôture du clos de l'abbaye de Ganagobie se dresse à l'ouest du prieuré de Ganagobie depuis plus deux siècles. Vu de l'extérieur, il impose par son volume mais souffre malheureusement d'une maçonnerie à pierre sèche fragilisée par divers facteurs :
- les racines de chênes verts attenants ont attaqué les fondations ;
- ces dernières existent lorsque le rocher affleure mais, sans cela, sont trop souvent absentes ;
- les pierres d'enrochement, pourtant disponibles sur le plateau de Ganagobie, ne sont pas utilisées ;
- le fruit est quasi-inexistant et les moellons disposés en boutisses sont trop rares ;
- les pierres sélectionnées par les maçons ou muraillers de l'époque ne possèdent pas de vrai parement et sont trop souvent gélives ;
- le couronnement fait défaut.

Dans ce contexte, il arrive que des brèches se forment à certains endroits sur ce mur de séparation à double parement. La communauté des moines bénédictins, soucieuse de conserver un mur de clôture en l'état a décidé de faire appel à mes services pour remonter à l'identique les pierres éboulées. Toutes les interventions ont été réalisées à la main, sous outillage électro-portatif, ni mini-pelle. Seul un tracto-pelle est intervenu pour faciliter l'éboulement du mur et la rupture d'une casquette scellée au mortier de ciment.
Aucun mortier ne sera réutilisé lors de la reprise de brèches.

Fig. 1 - Vue du ciel avec indication des lieux d'intervention.

I - LE CLOS DE L'ABBAYE

« ...Le mur de clôture du prieuré de Ganagobie forme un grand enclos, sensiblement carré, dont les côtés font entre 126 (murs Nord et Sud) et 153 mètres (murs Est et Ouest). Cette enceinte est citée dès le XVIIIème siècle comme le « clos », et dans l'inventaire de 1791 apparait bien comme un jardin et verger dont, à cette époque d'abandon, les « vignes sont vieilles et épuisées, les oliviers à demi morts ». Ses quatre hauts murs les protégeaient des dents des animaux sauvages ou domestiques en liberté, ainsi que du vent. À l'intérieur, il est redivisé en terrasses, orthogonales, qui respectent assez bien les courbes de niveau, et tournent les cultures vers le soleil du matin et de midi. Vers le milieu, un grand cabanon circulaire, en pierre sèche avec une belle voûte en encorbellement, a une qualité de bâti qui pourrait le faire remonter au « clos » d'avant la Révolution. Le texte de 1791 indique donc que l'enclos n'a pas été – comme on l'a cru un temps – une « garenne », c'est-à-dire un espace fermé où on laissait se multiplier les lapins.

Les murs de clôture eux-même paraissent relever d'au moins deux campagnes de construction : ceux du Nord (que longe l'allée de Forcalquier) et de l'Est (face au monastère), très épais (1,20 mètres en moyenne à la base), bâtis densément avec des pierres souvent grosses et dures, devaient être déjà en place autour du « clos » de la fin du XVIIIème siècle. Au contraire, ceux de l'Ouest et du Sud, plus minces (0,80 m à la base et 0,40 m au sommet, soit les deux parements et parfois un mauvais blocage, en pierres plus petites et souvent friables...) ne doivent guère avoir plus de 100 ans, au maximum 150 ans » (1).

 

Fig. 2 - Plan de masse situant le mur de clôture par rapport à l'emplacement du prieuré de Ganagobie.

II - INTERVENTION SUR LA BRÈCHE DU MUR OUEST (2011)

Il s'agit d'une « vieille » intervention qui remonte à mai 2011 lorsque j'étais encore en formation au CFPPA (1) de Forcalquier.

Fig. 3 - Reprise de brèche sur double parement.

La technique dite de « chaînage d'angle » a été retenue. Elle possède le gros avantage de désolidariser la section redressée du mur existant mais, esthétiquement, souffre de deux « coups de sabre » situés en côté gauche et côté droit de la reprise. Dix jours ont été nécessaires pour achever le chantier.

Fig. 4 - Le résultat.

III - INTERVENTION SUR LA BRÈCHE DU MUR NORD (2014)

Le mur de clôture nord qui longe l'allée de Forcalquier s'impose par son architecture massive (jusqu'à 1,30 m de profondeur aux fondations, 1 m au couronnement, jusqu'à 3 m de hauteur). À voir de plus près, on constate que le dressage du mur pèche par une absence de moellons assisés. Des petites pierres ont été empilées les unes sur les autres, un peu comme une pile d'assiettes. Les « coups de sabre » sont nombreux et fragilisent la solidité du mur. On ne retrouve pas les pierres d'enrochement qui offrent une fondation solide et la roche safreuse (2) fait défaut à l'endroit où s'est produite la brèche.

Fig. 5 - Côté intérieur de la clôture, pris en photo avant intervention. La partie haute semble tenir comme par magie. En réalité, le mur est solidarisé sur une épaisseur d'une vingtaine de centimètres au moyen d'un mortier de ciment. On peut supposer que cette maçonnerie sert à pallier une absence de pierres de couronnement.

Les différentes vues en coupe qui suivent sont intéressantes car révélatrices de la maçonnerie utilisée lors de la construction mais également de lors de sa restauration. On remarque bien dans la zone elliptique, la maçonnerie au ciment qui fait permet de pallier l'absence de couronnement. Les pointillés délimitent la section du mur iniatialement construite. Tout laisse à croire qu'un second mur a été dressé contre le premier, ce qui donne l'aspect massif actuel (1,30 m de profondeur aux fondations et 1 m au couronnement).

Fig. 6 - Vue dans le sens nord-ouest.

Fig. 7 - Vue dans le sens nord-est.

Fig. 8 - Vue depuis le couronnement du mur.

Le soubassement du mur reposait en partie sur des racines du chêne vert adjacent et sur une terre meuble. Cela a pu contribuer à l'apparition de la brèche.

Fig. 9 - Partie intérieure de la clôture. Il faut extraire des blocs importants de plusieurs centaines de kilos retrouvés en position dite à « contre-fruit ». Les pierres sont rangées selon leur taille et la qualité de leur parement.

Une fois la reprise de l'assise du mur effectuée, on peut s'attaquer au dressage en multipliant les boutisses (pierres rentrant dans la partie traversante du mur), en soignant calage et blocage, en croisant chaque pierre et en prenant soin de ne pas recréer de « coups de sabre ».

Fig. 10 - Partie intérieure de la clôture.

Fig. 11 - Vue d'en haut.

Fig. 12 - Partie extérieure de la clôture.

Fig. 13 - Partie intérieure de la clôture.

Fig. 14 - Partie intérieure de la clôture. Poursuite du dressage du mur.

Fig. 15 - Vue intérieure de la clôture. Détail du raccord entre nouveau mur (à gauche) et ancien mur (à droite). En optant pour une maçonnerie sous forme de chaînage d'angle, on désolidarise la structure restaurée de celle de l'ancien mur.

Fig. 16 - Vue de la partie extérieure de la clôture en cours de remontage.

Fig. 17 - Vue du mur de clôture achevé – côté extérieur – avec couronnement.

Fig. 18 - Autre vue du mur de clôture achevé – côté extérieur – avec couronnement.

Fig. 19 - Vue du mur de clôture achevé – côté intérieur – avec couronnement.

Fig. 20 - Autre vue du mur de clôture achevé – côté intérieur – avec couronnement.

Fig. 21 - Détail de l'appareillage du mur de clôture à double parement de l'abbaye de Ganagobie.

NOTES

(1) Source : Guy Barruol, Ganagobie, mille ans d'un monastère en Provence, Éd. Alpes de Lumière, 1996.

(2) Centre de formation professionnelle et de promotion agricole.

(3) Roche safreuse : molasse qui est une sorte d'argile limoneuse durcie à mi-chemin entre la sable et le grès.


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© CERAV
31 janvier 2016 / January 31st, 2016

Référence à citer / To be cited as:

Stéphane Ledoux
Interventions sur le mur en pierre sèche du clos de l'abbaye de Ganagobie (Alpes-de-Haute-Provence) (Sealing breaches in the dry stone masonry ot the walled vineyard of the Ganagobie abbey, Alpes-de-Haute-Provence)
http://www.pierreseche.com/restauration_mur_ganagobie.htm
31 janvier 2016

Stéphane Ledoux (contact@luberonpatrimoine.fr)

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