« LA MIA CASITA » / « MOJ KAŽUN » À DIGNANO D'ISTRIA / VODNJAN (CROATIE).

LABORATOIRE DE CONSTRUCTION ET DE RÉHABILITATION DE CASITE ET DE MASIERE

5e ÉDITION (2011)

Sergio Gnesda

 

Comme chaque année depuis 2007, a eu lieu du 6 au 28 mai dernier à Dignano d’Istria / Vodnjan en Croatie, la 5ème édition de « La mia casita » / « Moj kažun » - laboratoire de construction et de réhabilitation de casite (cabanes en pierre sèche) et de masiere (murs en pierre sèche). Grâce à l’aide de la Région Istrie et de divers mécènes, ont été restaurées plusieurs casite, dont les deux du site « le due casite » et la troisième (dans un très mauvais état) du site « le tre casite ». Les chantiers de restauration ont eu lieu les vendredi et samedi (de 8 h à 20 h).

L'événement s'inscrit dans le cadre du projet « Revitas » (partenariat transfrontalier entre les régions et les institutions de Slovénie et de Croatie, financé par la Communauté européenne) et comprend diverses activités axées sur la revitalisation de l’arrière-pays d'Istrie par la conservation du patrimoine culturel et la création de destinations transfrontalières d’un tourisme durable basé sur les richesses culturelles et naturelles. Pour la ville de Dignano, les fonds doivent être consacrés à la préservation des murs en pierres sèches et des casite.

 

Plan d'accès de la manifestation.

L'objectif de la manifestation est de sensibiliser la population à la protection du patrimoine culturel à travers des recherches, des cours, des conférences et des exercices pratiques sur la construction et la réhabilitation des casite et masiere ainsi que la création de parcours thématiques qui seront ensuite intégrés dans les circuits touristiques (pistes cyclables).

Les ateliers, les conférences et les exercices de reconstruction sont effectués en collaboration avec des experts chargés aussi d’aider les participants. Les ateliers et les conférences sont gratuits. Tous les participants, passionnés ou amateurs, peuvent participer activement à une partie ou à la totalité de l'entreprise, sans aucune contrainte ni obligation de s'inscrire. Le point de repère est le « Point Info », situé en face de la basilique de style roman ou néo-roman Santa Fosca.

L'ouverture solennelle de la manifestation, en présence de diverses personnalités de la ville de Dignano d’Istria et d'un large public, a eu lieu sur le site des « Tre casite », choisi comme symbole (logo) de l'édition 2011.

 

Inauguration sur le site des « tre casite ».

En Istrie, les cabanes à voûte en encorbellement s’appellent généralement casite (en langue italienne) ou kažun (en langue croate). En Dalmatie, on trouve un grand nombre de cabanes en pierre sèche de technologie similaire, généralement construites en moellons et de forme moins élégante. Ces cabanes ont des noms très différents d'une région à l’autre (kažun, komarda, bunja, trim, vrtujak, hiške, koče, etc.). Dans la région de Dignano d’Istria, selon diverses estimations, il devrait y avoir environ 2000 casite et dans le passé on en comptait beaucoup plus. Dignano, également appelée « la ville des casite », aurait la plus forte concentration de constructions de cabanes en pierre sèche de la Méditerranée.

Le samedi 7 mai, a débuté la restauration de la toiture, complètement ruinée, de deux casite du site « le due casite ». L’organisation des activités et de la rénovation des casite et masiere est coordonnée par l'architecte Branko Orbanić, responsable de Kapitel de Gimino (ville d’Istrie proche), société qui fournit le personnel qualifié et spécialisé dans la restauration et l'intégration des bâtiments en pierre locale dans leur cadre.

 

Le site dit « le tre casite».

La reconstruction a commencé par le remontage de la voûte. Une seule épaisseur de petites lauses forme la voûte, laquelle se maintient parfaitement en équilibre statique. Cela est évident si on regarde la photographie de la mince voûte, où la lumière filtre à travers les interstices de l’unique épaisseur de lauses, lui donnant l'aspect d'une broderie. Progressivement, on pose les pierres de la couverture et on remplit l'espace entre les deux peaux (interne et externe) avec des pierres de petite taille, ayant le rôle de poids de stabilisation.

 

Le site dit « le due casite » avant la reconstruction de la voûte d'une des cabanes.

Il n'est pas nécessaire de contrebalancer le poids des lauses avec des pierres placées sur le côté externe. La dimension des lauses, leur poids, leur forme et leur agencement soigné assurent la stabilité. En regardant la progression de l’ouvrage et le résultat, on a le sentiment que la technologie utilisée est très efficace et que le savoir-faire des spécialistes n’est pas perdu.

 

Le site dit « le due casite » : la voûte terminée, les maçons posent la couverture de lauses.

 

L'intrados de la voûte une fois celle-ci montée : la lumière filtre à travers les interstices.

 

Le site dit « le due casite » : progression de la couverture de lauses sur les deux cabanes.

 

Le vol des lauses (au sens aérien, s'entend...)

À noter la solution simple permettant de réaliser la forme cônique de la toiture. Une fois la voûte terminée, un mince poteau est fixé sur son sommet. à la hauteur où se terminera le dôme externe (qui sera la base pour asseoir l'épi de faîtage ou  pimpignol). On fixe à ce poteau 4 ficelles qui sont maintenues en tension par une pierre accrochée à l'autre extrémité. La longueur de ficelle (entre l'accrochage et la dernière rangée des lauses de la base cylindrique) indique le profil du toit.

 

Les ficelles permettant de générer une forme conique.

En déplaçant chaque ficelle de 90° on dessine un quadrant du cône. Faire pivoter une ficelle de plus de 90° ne manquerait pas de l'entortiller dans sa partie haute et de l'abaisser, ce qui aurait pour conséquence de modifier la forme du sommet du toit qui est la partie esthétiquement la plus importante.

 

Une des ficelles, lestée d'une pierre qui lui donne sa tension.

La pose, au-dessus de la pierre plate de fermeture, d'un pimpignol qui ne pèse pas moins de 50 kg, signale la fin de la réparation de chaque toit. La solidité de la coupole est attestée par les deux personnes montées sur une échelle pour installer le pimpignol.

 

Mise en place du pimpignol par deux maçons montés sur une échelle en bois posée sur la couverture de lauses.

Afin de permettre aux visiteurs et aux passionnés de mieux connaître les casite, les masiere et leur cadre, on a mis en place l'attraction «Avec le train entre les casite », voyage gratuit en petit train, d’une heure, accompagné de commentaires et d'explications, en langues croate et italienne, sur les techniques, les traditions et l’histoire des constructions en pierre sèche. Pendant le parcours, on s’arrête dans les endroits les plus significatifs.

Les casite de Dignano/Vodnjan ne présentent pas systématiquement leurs ouvertures ni leur entrée orientées vers les champs cultivés; par contre nombreuses sont les niches à l’intérieur et rares celles à l’extérieur.

 

Niche formée par un encadrement de quatre dalles.

Les leçons-conférences prodiguées en langue croate (mais avec nombreux croquis et dessins) par l’architecte Branko Orbanić et par l’ethnologue Katarina Jerbiċ se sont déroulées les vendredis et samedis sur les sites « le due casite » et « le tre casite ». Elles ont mis en relief  les enseignements suivants :
1. Les cabanes datent des derniers deux ou trois siècles. Elles ne sont pas conçues pour une durée éternelle et à cause de l’anthropisation importante, des agents atmosphériques (le gel !) et des animaux sauvages, elles se ruinent de plus en plus.
2. Leur beauté vient de l'énorme tâche de sélection et de classement des pierres homogènes, rangées horizontalement, mais aussi d’un sens esthétique de leurs constructeurs
3. La forme interne de la voûte est dictée par les lois de la statique de l’encorbellement tandis que les dimensions et la forme extérieures sont le résultat de l'utilisation de lauses minces et de même épaisseur.
4. Même s'il existe quelques casite à base carrée surmontée d'un toit conique en forme de cône ou cloche, les plus répandues sont à base cylindrique avec un cône sur le dessus. Elles sont dans la majorité des cas isolées et, lorsqu’elle sont groupées, rarement construites côte à côte.

 

L'architecte Branko Orbanić donnant des explications.

À la fin de l'événement, le samedi 28 mai à 18 à l'Info Point, tous les participants reçurent un t-shirt souvenir et un certificat de participation.

 

L'auteur

ANNEXE

Un entretien avec Branko Orbanić, architecte responsable de la société Kapitel de Gimino

Combien de temps faut-il pour bâtir une casita ou kažun ?

Exemple : diamètre intérieur de 3 m, épaisseur de la paroi 80 cm ; un maçon et deux aides = 15-20 jours.

Combien ça coûte ?

Le coût pour bâtir une casita/kažun, d'environ 20 mètres cubes de matériau, soit 50 tonnes de pierres, avec la main-d’œuvre, est de 8.000 -11.000 € (soit 60.000-70.000 kune). Dans le temps, cela signifiait deux moutons (ce qui était cher !).

Quel est le prix des murs en pierre sèche ?

Le prix d’un mur à sec doit être calculé en m3. Le matériau est coûteux en Croatie, environ 100-120  €/m3 (soit 700-900 kune/m3). La main-d’œuvre d’un maçon et d’un assistant (avec tous les outils) pour bâtir un mètre cube est d’environ 4 heures. Le coût pour 100 m de mur linéaire (d’une section « type » 60 cm x 120 cm, soit 72 m3) pourrait être de l’ordre de 18.000-21.000 € en Istrie.

Où est-il possible de récupérer, ou trouver, des pierres ?

L'essentiel est de réutiliser des pierres qu’on trouve dans les environs. En Croatie-Istrie il y a encore beaucoup de pierres réutilisables, ce qui facilite la tâche et l'intégration des murs (ou des casite) au cadre environnant.

La ville de Dignano/Vodnjan depuis plusieurs années organise des ateliers sur les casite/kažuni exécutés par la société Kapitel. Quel en est l'intérêt ?

La première année il y a eu près de 300 personnes qui ont participé, les autres années 500 personnes et jusqu’à 800 en 2010. Des petits agriculteurs aux retraités, et des Slovènes, des Dalmates qui sont venus ici pour apprendre ou simplement pour voir. La solution des ateliers est généralement un excellent moyen de promotion du patrimoine national dans le cas d’une forte concentration des œuvres. Cette situation est propice à la création du futur « musée en plein air » de la mairie de Dignano/Vodnjan. Ainsi pour Dignano/Vodnjan, ses constructions en pierre sèche constituent un centre important à l'échelle de la Méditerranée. Même les célèbres momies de Dignano/Vodnjan sont éclipsées par cette manifestation autour des casite/kažuni !

Donnez-vous vraiment envie aux gens de construire des casite/kažuni ?

Oui, il y avait des moments où nous avons dû supplier les gens de ne pas aller dans les casite en ruine et imposer de l'ordre afin d’éviter que quelqu'un ne se blesse.

Quel est le coût de ces actions ?

Chaque année, au mois de mai, l’opération « la mia casita / moj kažun » se renouvelle et comporte la réparation d’environ 10 casite et de 50 mètres cubes de murs en pierre sèche. Toute la manifestation entraîne une dépense globale d’environ 30.000 € (200.000 kune).


Pour imprimer, passer en mode paysage
To print, use landscape mode

© Sergio Gnesda - CERAV
Le 16 juin 2011/ June 16th, 2011

Référence à citer / To be referenced as :

Sergio Gnesda
« La mia casita » / « Moj Kazun » à Dignano d'Istria / Vodnjan (Croatie) : laboratoire de construction et de réhabilitaion de casite et de  masiere, 5e édition (2011)
http://www.pierreseche.com/la_mia_casita_2011.htm
16 juin 2011

 

Pages connexes :

Subvention pour la restauration de casite sur le territoire de la municipalité de Dignano/Vodnjan en Istrie (Croatie)

Opération La mia casita/Moj cažun à Dignano d’Istria /Vodnjan, en Istrie (en Croatie) : programme pour l'année 2010 (7 - 29 mai)

Photos de l'opération La mia casita/Moj cažun 2010

 

page d'accueil                    sommaire maçonnerie

 

ARCHITECTURE VERNACULAIRE

CERAV