Les cuviers ou tines des garrigues de Nîmes
Dans les garrigues péri-urbaines du
Gard aux XVIIIe et XIXe siècles, une tine (tino en langue d'oc)
est un cuvier en maçonnerie sèche, couvert d'une voûte d'encorbellement. Il
servait de dépôt provisoire de la vendange ou de la récolte d'olives dans les
enclos cultivés. Les tines, ou ce qu'il en reste, se rencontrent
notamment dans les garrigues de Nîmes, de Margueritte et de Caveirac.
La tine est une petite
construction au plan extérieur en forme de « fer à cheval » (c'est-à-dire avec
une façade plane et un tour arrondi en demi-cercle ou en demi-ellipse) et au
plan intérieur en forme de « trou de serrure » s'il y a un couloir d'entrée
(diamètre : de 1,50 m à 2,00 m).
Une dalle posée de chant – la margelle
– sépare, dans les édifices les plus
simples, l'embrasure de l'entrée et la cellule ou, dans les édifices les plus
évolués, un petit couloir et la cellule. La partie basse de cette dernière prend
la forme d'une cuve rudimentaire, rendue étanche par un mortier de terre glaise
et de chaux grasse qui en tapisse le fond et les parois sur 70 cm de haut.
L'élévation du couloir (deux encorbellements symétriquement opposés et couverts
par une dalle formant linteau), sa hauteur (de 1,80 m à 2,00 m), permettaient à
un homme portant une charge de raisins ou d'olives sur l'épaule de la décharger
dans la cuve. L'entourage de l'entrée est lui aussi crépi de mortier de chaux.
Le linteau, lorsqu'il est mince, peut saillir d'une quinzaine de centimètres
pour former une sorte d'auvent contre la pluie (voir image en tête de
l'article). Si le linteau est trop épais, il peut être surmonté d'une dalle
saillante plus mince servant d'auvent supra-lintal.
Au-dessus de la cuve, s'élève une voûte de 2 à 3 m sous flèche, recelant dans
ses parois, à mi-hauteur, une ou deux niches.
Une capitelle en pierre sèche vient parfois s'accoler latéralement à la tine, à
droite ou à gauche de celle-ci (voir images 9 et 10).
La tine sert à égrapper le raisin,
c'est-à-dire à en séparer les grains de la rafle. Celle-ci reste sur place, seul
les grains sont emportés3.
La tine se dresse toujours à proximité de l'entrée de l'enclos ou en
bordure d'un chemin, de façon à permettre à un animal de bât ou à un charreton
de venir chercher la récolte de la journée et de la transporter jusqu'à la cave
de la maison villageoise (pour les raisins) ou au moulin à huile (pour les
olives).
Les propriétaires des enclos en
pierre sèche où se trouvent les tines étaient le petit peuple des villes.
Se fondant sur des textes notariés, Paul Marcellin (1) place le départ de la
colonisation agricole de la garrigue nîmoise à 1667, son extension au XVIIIe
siècle, son maximum au milieu du XXe siècle et son déclin à partir de
la crise phylloxérique frappant le Gard dans les années 1860.
Notes
(1) Paul
Marcelin, Sur la structure agraire du Midi méditerranéen : les champs clos de
murs en pierre sèche des environs de Nîmes, dans Actes du congrès national
des sociétés savantes, Montpellier, 1936, Bulletin de la section de géographie
du Comité des travaux historiques et scientifiques, Imprimerie Nationale,
Paris, 1937, pp. 29-34.
Autre article sur les tines dans
pierreseche.com
Cuvier
en pierre sèche de la garrigue de Nîmes (Gard) |