EXEMPLES DE RESTAURATIONS ET DE CONSTRUCTIONS DE CABANES EN PIERRE SÈCHE

Examples of restorations and constructions of dry stone huts

Christian Lassure

1 - CONSTRUCTION EXPÉRIMENTALE D'UN « CABANON POINTU » À BONNECHÈRE DANS LES ALPES-DE-HAUTE-PROVENCE EN 1970

Pierre Martel s'est efforcé de retrouver par lui-même les techniques de la construction à sec. Il parvint, en 1970, à édifier un classique  cabanon pointu » sur sa propriété de La Bonnechère à Saint-Michel-l'Observatoire (Alpes-de-Haute-Provence). Cette initiative est la première tentative d'auto-construction expérimentale d'un édifice en pierre sèche.

Etapes de construction du "cabanon pointu" de Pierre Martel à Bonnechère (Alpes-de-Haute-Provence) - Dessins Jean-Michel Lassure © CERAV

La base est cylindrique (diamètre extérieur : 5,56 m ; hauteur : 1,80 m) avec un fruit marqué pour la paroi extérieure. Le couvrement est conique, culminant à environ 4,00 m, épi compris, et débordant à sa base par un larmier.

La cellule est circulaire (diamètre intérieur : 3,70 m).

Elle comporte les aménagements suivants : deux niches, un regard, une cheminée.

Le "cabanon pointu" de Pierre Martel à Bonnechère (Alpes-de-Haute-Provence) : vue de l'extérieur et vue du foyer - Dessins Jean-Michel Lassure © CERAV

Pierre Martel a eu recours au procédé du mât central et des deux ficelles, l'une donnant le rayon intérieur, l'autre le rayon extérieur. Il a établi des banquettes provisoires en pierres pour se donner de bons appuis sous les pieds et installé un plancher intérieur sur deux poutres pour servir d'échafaudage.

Les techniques de maçonnerie employées sont classiques : assise de fondation, joints croisés dans les parements, placement de boutisses parpaignes à intervalles réguliers (une au mètre carré), disposition des pierres avec leur plus petit côté en parement.

Le "cabanon pointu" de Pierre Martel à Bonnechère (Alpes-deHaute-Provence) - Photo Bernard Artigues © CERAV

2 - RESTAURATION DU HAMEAU DES SAVOURNINS À GORDES DANS LE VAUCLUSE DE 1969 à 1976

Cet ensemble de cabanes en pierres sèches constituait un ancien écart du village de Gordes. Ce hameau éloigné a pour nom « Les Savournins » sur les cadastres tandis que les villageois le désignent familièrement par l'appellation « Les Cabanes ». Abandonné à la fin du XIXe siècle, il fut racheté et restauré par Pierre Viala entre 1969 et 1976 pour en faire un musée de plein air sous l'appellation fantaisiste « Le Village des Bories ». Ce pseudo-village est aujourd'hui une cagnotte gérée par la municipalité de Gordes.

Quartier des Savournins à Gordes (Vaucluse) : le four avant et après restauration - Dessin Jean-Michel Lassure © CERAV

Les bâtiments avaient été dégradés par la végétation qui s'insinuait entre les pierres, par les chasseurs qui pratiquaient des brèches pour attraper le gibier réfugié sous les murs, par les tremblements de terre de 1880 et de 1909, par des manœuvres militaires en 1959.

La restauration du site se fit en deux étapes :
- une première tranche, consistant en débroussaillages, arrachages et déblaiements ;
- une 2e tranche, consacrée aux travaux de consolidation, de réfection et de restauration.
Le maître d'œuvre : Pierre Viala, secondé par un maçon connaissant la pierre sèche et un manœuvre.

Il fallut restaurer des faîtages, refaire des angles, remplacer des linteaux, colmater des brèches.

La restauration est de qualité : sélection de pierres patinées pour assurer un raccordement harmonieux avec celles en place, dissimulation des colmatages de brèches au béton sous un parement de pierres posées à sec.

Quartier des Savournins à Gordes (Vaucluse) : le four avant restauration - Photo Jean-Marc Didillon © CERAV 

Quartier des Savournins à Gordes (Vaucluse) : le four après restauration © CERAV

3 - CONSTRUCTION EXPÉRIMENTALE D'UNE CABANE EN PIERRES SÈCHES EN MOSELLE EN 1977

Sur le plateau de Lessy près de Metz, près de la ferme Saint-Georges.

Expérience réalisée par des étudiants de 3e année de l'Ecole des beaux-arts de Metz sous la conduite de leur professeur, Christian Fouquet (spécialité : « cadre bâti »).

Le but recherché était de prouver que l'élément naturel (la pierre en l'occurrence) s'harmonise toujours avec le milieu environnant et que la manipulation d'éléments non-géométriques orientés et placés en porte-à-faux les uns sur les autres permet d'aboutir à une voûte.

Cabane expérimentale construite sur le plateau de Lessey (Moselle) en 1977 - Dessin Benoît Delarozière © CERAV

L'édifice était de plan circulaire (diamètre extérieur : 2,00 m, diamètre intérieur : 1,30 m). Il atteignait 2,20 m de hauteur hors-tout pour 1,80 m de hauteur sous voûte. Le poids total s'élevait à 4500 kg et le volume de pierre dépassait les 2 mètres cubes.

La construction prit une seule journée. Début des opérations vers 9 h du matin, plan tracé à 10 h, premières poses de pierres vers 11 h. A midi, la cabane était haute de 80 cm, à 14 h de 1,20 m. La voûte était terminée à 17 h.

Cette expérience est davantage un exercice de manipulation et d'empilement d'un matériau brut qu'une initiation à la maçonnerie sèche. Elle avait pour intérêt de permettre à de futurs techniciens du bâtiment de manipuler, peut-être pour l'unique fois de leur vie, un matériau naturel.

Il serait intéressant de savoir comment la bâtisse a évolué avec le temps et dans quel état elle se trouve en 2001.

4 - CONSTRUCTION EXPÉRIMENTALE D'UNE « CAPITELLE » À LABLACHÈRE EN ARDÈCHE EN 1980

Maître d'œuvre : l'association « Cévennes Terre de Lumière ».

Matériaux : pierre extraite d'une parcelle lors de sa mise en culture (7 m3 1/2).

Modèle : type courant dans la région. Diam. int. : 2 m, haut. int. : 1,95 m, haut. de l'entrée : 1,30 m, ép. du mur : 55 cm.

Diamètre de la construction délimité au cordeau à partir d'un axe fixe.

Mise en place d'un tronc de jeune pin - la « bigue - au centre, pour servir d'axe de référence.

"Capitelle" construite à Lablachère (Ardèche) en 1980 - Dessin Michel Rouvière © CERAV

Cordeau pourvu de nœuds matérialisant diamètre extérieur et diamètre intérieur.

Encorbellement amorcé à 1,10 m de haut.

Pose d'un linteau (5 personnes nécessaires, montées sur la couronne de pierre).

Utilisation de grandes dalles pour la dernière assise de la voûte (craquements entendus lors de leur mise en place !).

Temps : 1 journée et demi de travail pour 20 participants (trop nombreux).

4 - CONSTRUCTION D'UNE  »BARAQUE » DE VIGNE À VILLEVEYRAC DANS L'HÉRAULT EN 1984

Le bâtisseur

Emile Bonnet, né en 1905 et ayant une certaine expérience de la restauration et la construction d'aménagements et de bâtisses en pierre sèche.

Implantation

Sur un coteau pierreux, dans une terre abandonnée ou « garrigote », à l'emplacement d'un banc rocheux de grès crétacé émergeant du sol et incomplètement réduit par les défricheurs de jadis. Possibilité d'exploiter les pierres arrachées laissées sur place.

Le constructeur a choisi un emplacement plat pour éviter le glissement des murs et a profité de la présence d'un rocher pour les fondations.

Son idée était de monter une cabane à base cylindrique surmontée d'un dôme aplati en retrait susceptible d'être planté d'iris.

Fondations

La première assise de blocs a été posée directement sur le sol, « à l'œil » ; l'entrée a été ménagée au sud-est pour se protéger de la Tramontane au nord et du Grec à l'est.

Murs et couvrement

Murs parementés sur les deux faces, d'une épaisseur de 70-80 cm, avec un fruit extérieur de 10 cm par 50 cm. Remplage de pierres de différents calibres. Mise en place de boutisses parpaignes « comme elles venaient ».

"Baraque" construite à Villeveyrac (Hérault) en 1984 - Dessin Gilles Fichou © CERAV

Entrée

À part l'emploi d'un gros bloc rectangulaire à la base du jambage gauche de l'entrée, aucun choix particulier pour l'appareillage du restant

Aspect extérieur

La forme irrégulière des pierres (bloc à face plate polygonale) n'a pas permis d'assurer des assises réglées et d'éviter les « coups de sabre » et le recours à des cailloux de calage.

Aspect intérieur

Cellule de plan subelliptique. parois partant très tôt en encorbellement jusqu'à la dalle faîtière à 2,30 m. N'ayant que des dalles de mauvaise configuration, M. Bonnet a eu du mal à appareiller convenablement la voûte. la seule dalle plate à sa disposition a été réservée dès le début pour faire office de dalle de couvrement.

Outils et accessoires employés

- marteau de maçon, ou « marteau-têtu », pour retoucher des pierres au contour récalcitrant et bloquer les pierres de calage ;
- masse ou tranche pour briser les plus gros blocs ;
- une pioche de terrassier, ou pic, pour soulever les pierres mi-enfouies ;
- une houe à deux dents, ou « bigos », pour creuser la terre ;
- une pelle de maçon pour jeter de la terre sur la toiture ;
- une petite barre à mine pour déplacer les blocs et déliter le banc rocheux ;
- de grands échalas pour faire office de barres à mine, d'échelle et de chèvre ;
- une poulie et une corde pour la chèvre ;
- une corbeille en bois, ou « banaste », pour transporter la pierraille, et aussi une grande poubelle plastique ;
- un madrier pour servir éventuellement d'échafaudage.

Etapes de construction d'une "baraque" à Villeveyrac (Hérault) en 1984 - Dessin Gilles Fichou © CERAV

Déroulement de la construction

Bloc du jambage droit déplacé à l'aide d'échalas par M. Bonnet et son fils.
Travail seul pour les parois.
D'autres personnes nécessaires pour livrer les linteaux et les diriger à l'aide d'une chèvre avec poulie et corde.
Premières dalles de l'encorbellement posées de l'intérieur, puis mise en place de dalles au-dessus en montant sur la couronne de pierres.
M. Bonnet s'est fait aider de ses deux fils pour lui passer les lauses et la pierraille nécessaire à la voûte.
Difficulté d'assurer le déversement des « dalles » vers l'extérieur à cause de leur forme irrégulière.
Recouvrement du dôme par une couche de terre piochée autour de l'édifice ou à l'intérieur de celui-ci.

Durée de la construction

Quatre journées en solitaire, soit 25 heures.
+ 3/4 d'heures pour la pose du linteau par quatre personnes.
+ trois heures pour l'achèvement du dôme par trois personnes.
+ 1 heure en solitaire pour le dépôt de terre et la plantation d'iris sur l'édifice.

"Baraque "construite à Villeveyrac (Hérault) en 1984 © Photo Gilles Fichou


Pour imprimer, passer en mode paysage
To print, use landscape mode

© CERAV
Dernière modification : le 11 novembre 2001 / Last modified on November 11th, 2001

Référence à citer / To be referenced as :

Christian Lassure
Exemples de restaurations et de constructions de cabanes en pierre sèche (Examples of restorations and constructions of dry stone huts)
http://www.pierreseche.com/restaurations_et_constructions.html
11 novembre 2001

page d'accueil                    sommaire maçonnerie

 

ARCHITECTURE VERNACULAIRE

CERAV