LA TRADITION SUPRA-RÉGIONALE DES MAISONS-HALLE EN LORRAINE :
UN ACCROC AU MYTHE RÉGIONALISTE DE « LA MAISON RURALE DE TYPE LORRAIN »

 

The supra-regional tradition of aisled houses in Lorraine:
The regionalistic myth of "the Lorraine-type rural house" hits a snag

Christian Lassure
Agrégé de l'Université

 

Parution initiale : L'Architecture vernaculaire, t. 7, 1983, pp. 39-51
Republished from a 1983 article

Si l’on en croit une certaine bibliographie régionaliste, la Lorraine aurait sa maison paysanne propre, bien typée dans ses caractères et différente des maisons des régions voisines. Divers auteurs parlent de « la maison lorraine » (1) ou encore de « l’habitation rurale de type lorrain » (2).

La maison-bloc à terre en Lorraine selon les géographes français de la première moitié du XXe siècle (lieu non indiqué).

Cette maison-type est décrite, ou plus exactement imaginée, comme suit. C’est tout d’abord une maison-bloc à terre, abritant sous un même toit les hommes, les bêtes et les récoltes. Son développement est en profondeur (pignons plus longs que gouttereaux). Elle a une toiture à deux eaux, le faîtage étant parallèle à la rue. Les versants sont de faible pente et couverts en tuiles creuses. Le bâtiment est mitoyen, par ses pignons, avec deux autres maisons. La façade est ménagée dans le goutterau sur rue. L’agencement intérieur est marqué par des refends bas perpendiculaires au gouttereau façade, délimitant trois « rangs » (terme local) ou « travées » (terme savant), l’une pour le logement des humains, une autre pour celui du bétail, une troisième pour l’engrangement. À chaque « travée » correspond en façade une ouverture propre : une porte monumentale pour la grange, une porte plus basse pour l’étable, un portillon pour la cuisine. La « travée » grange, déplafonnée, communique avec le vaste grenier au-dessus des autres travées.

En règle générale, la description s’arrête là. Parfois seulement est-il question de la charpente, consistant en poteaux de fond ou « hommes-debout » (expression rencontrée dans la Lorraine du Centre et de l’Ouest). Cette lacune ou cette discrétion sont bien regrettables, surtout si l’on considère que la charpente, étant la structure porteuse de la toiture, est l’élément essentiel qui détermine la morphologie de « la maison lorraine ».

Quelques publications récentes (cf. infra) permettent de se faire une idée plus précise des types de charpente propres aux maisons à développement en profondeur en Lorraine. Deux traditions de charpenterie distinctes y sont présentes. La structure porteuse peut être soit un alignement axial de poteaux portant la faîtière, soit deux alignements parallèles de poteaux portant des fermes à poinçon.

Dans ce deuxième cas, le volume intérieur se trouve longitudinalement divisé, au plan de la structure, en une nef centrale bordée de deux bas-côtés. Le nombre d’élévations transversales de charpente détermine, dans la nef et les bas-côtés, le nombre de travées de plan : une élévation de charpente entre deux pignons donne deux travées de plan, deux élévations donnent trois travées de plan, et ainsi de suite. Mais cette division en travées de plan est occultée par la division en « travées » d’occupation ou « rangs » : les refends ne correspondant pas toujours aux élévations de charpente, il s’ensuit qu’il n’y a pas toujours coïncidence entre « travées » d’occupation et travées de plan (3).

Cette réserve faite, force est donc de reconnaître que la maison à développement en profondeur en Lorraine comporte un type bien caractérisé à nef et bas-côtés dont l’appellation spécifique chez les spécialistes d’architecture vernaculaire rurale est celle de « maison-halle ». Quand on saura que des « maisons-halle » existent dans les provinces voisines de Champagne et de Bourgogne et dans celles plus éloignées de l’Auvergne, du bas Quercy, du Périgord, de la Charente, de la Gascogne, des Landes et du Pays Basque (4), on conviendra qu’il faut relativiser la prétendue spécificité des maisons lorraines de ce type.

Il en va de même, d’ailleurs, des maisons à charpente de poteaux axiaux : la technique en est présente aussi bien en Auvergne, en Gasogne ou dans le Landes – entre autres régions – qu’en Lorraine, avec les mêmes résultats quant à la morphologie générale des édifices (5).

L’existence de maisons à nef et bas-côtés en Lorraine étant établie, il reste à présent à examiner de près les différentes sortes de charpente de type halle qui leur servent de structure porteuse.

Jusqu’à ces dernières années, la bibliographie demeurait bien avare sur ce sujet. Mais, avec la publication en 1981 du volume Lorraine du Corpus de l’architecture rurale française par le Musée national des arts et traditions populaires, puis avec celle en 1982 des actes du Colloque de Nancy sur les « Villages et maisons de Lorraine », un certain nombre de relevés de charpentes ont été mis à la disposition des chercheurs (6).

Ce sont ces relevés qui vont nous servir de matière première pour l’élaboration du présent article. Mais, au préalable, il nous faut signaler les lacunes et imperfections de ces deux apports documentaires. Les relevés de charpentes du volume Lorraine sont d’un e exploitation malaisée, en raison d’une part de la réduction trop importante qu’ils ont subie chez l’imprimeur, d’autre part de l’absence quasi générale de dessins de détail montrant les assemblages. Certains relevés, enfin, nous ont paru trop peu sûrs pour être utilisés. Le texte introductif du volume, dû à Claude Gérard, ne traite que superficiellement de la question des charpentes, expédiée en 41 lignes. Heureusement, cette lacune est comblée par l’ouvrage « Villages et maisons de Lorraine, où nous trouvons, sous la plume de Bruno Malinvrno, de l’Inventaire général de Lorraine, une première classification des charpentes rurales en Lorraine, constituant un outil fort pratique pour toute étude ultérieure. Les relevés joints trahissent toutefois les mêmes manques et imperfections que ceux du volume du Corpus (7).

A partir donc des éléments utiles et exploitables fournis par ces deux sources et en attendant notre propre campagne de relevés sur le terrain, nous nous proposons de répertorier les différentes variétés de charpentes de type halle utilisées dans les maisons à nef et bas-côtés de la Lorraine.

D’ores et déjà, nous pouvons dire que la nef est toujours franchie par une ferme à poinçon portée par deux poteaux (non sans des variations dans l’assemblage poteau/entrait/ « sablière ») et que les bas-côtés, quant à eux, sont franchis selon trois procédés différents, soit par des arbalétriers simples, soit par des chevrons, soit par des demi-fermes. Nous avons donc ordonné nos monographies de charpentes selon le mode de franchissement des bas-côtés, en attendant de proposer, à la fin de notre exposé, une typologie des seules fermes à poinçon sur poteaux.

PREMIER MODE DE FRANCHISSEMENT DES BAS-CÔTÉS : PAR DE SIMPLES ARBALÉTRIERS (TYPE I)

A l’intérieur de cette catégorie, nous avons distingué deux types en fonction de l’assemblage poteau/entrait/arbalétrier de bas-côté/panne « sablière » (8).

Dans le type Ia, l’arbalétrier de bas-côté est assemblé dans le poteau, sous l’entrait de la ferme centrale (assemblage à tenon et mortaise, le tenon étant généralement passant); la panne « sablière » est portée par l’entrait.

Dans le type Ib, l’arbalétrier de bas-côté est assemblé dans le poteau, par-dessus l’entrait (assemblage à mi-bois par enfourchement); la panne « sablière » est portée par le poteau.

TYPE Ia, No 1 : BARISEY AU PLAIN, MEURTHE-ET-MOSELLE, ÉLÉVATION DE CHARPENTE DE TYPE HALLE (SOURCE : MONOGRAPHIE LO 08 DU VOLUME LORRAINE DU CORPUS)

Maison à développement en profondeur, à façade en gouttereau, sur rue. Dim. ext. : 17,15 m en gouttereau, 22,50 m en pignon. Pignons mitoyens. Hauteur du faîtage : 10,50 m. Pente des versants : 25°. Couverture : tuiles canal. Des refends bas, perpendiculaires au gouttereau, subdivisent fonctionnellement le bâtiment en étable, grande et habitation. Datation : début du XVIIIe siècle (millésime 1721 au linteau de la porte de la buanderie). La façade a été remaniée dans la 2e moitié du XIXe siècle (clé datée de 1862 à la porte charretière).

Deux élévations transversales de charpente délimitent trois travées de plan. La travée de plan contre le pignon nord-est est moitié moins grande que les autres. Travées de plan et « rangs » d’occupation ne coïncident que pour la partie habitation.

Chaque élévation de charpente comprend deux poteaux de fond (section : 35 x 32 cm) portant l’entrait (section : 35 x 30 cm) d’une ferme à poinçon (assemblage poteau/entrait non précisé). Celui-ci s’assemble dans l’entrait par un tenon passant claveté. Les pannes « sablières » prennent appui sur les extrémités de l’entrait par l’intermédiaire de cales. Les arbalétriers (section : 30 x 25 cm) sont raidis par une jambette verticale à l’aplomb de la panne intermédiaire haute.

Les bas-côtés sont franchis par de simples arbalétriers, assez longgs, portant chacun deux pannes intermédiaires. Ils sont encastrés dans le hautdes gouttereaux et assemblés (à tenon passant claveté) dans le haut des poteaux, sous l’assemblage de l’entrait.

Des aisseleirs transversaux soulagent l’entrait et les arbalétriers des bas-côtés. les « sablières » sont soulagées par des liens longitudinaux ainsi que la faîtière.

TYPE Ia, No 2 : ÉLÉVATION DE CHARPENTE DE TYPE HALLE NON LOCALISÉE (SOURCE : VILLAGES ET MAISONS DE LORRAINE)

Pente des versants : 21°. Couverture : non précisée. Datation : XVIIIe ?

Deux poteaux portent l’entrait d’une ferme à poiçon passant (le dessin ne permet pas de dire si le tenon passant est claveté). Une jambette oblique soulage les arbalétriers sous la panne intermédiaire haute. Les pannes « sablières » posent ici, exceptionnellement, non pas sur les extrémités de l’entrait mais sur le bas des arbalétriers.

Les arbalétriers des bas-côtés semblent assemblés à tenon passant dans les poteaux de fond, sous l’entrait (à moins qu’ils ne soient simplement assemblés à mi-bois). Ils portent une panne intermédiaire basse.

Des aisseliers raidissent les angles poteau/entrait et poteau/arbalétrier de bas-côté.

TYPE Ia, No 3 : SALAMAGNE, MEUSE. ELÉVATION DE CHARPENTE DE TYPE HALLE (SOURCE : VOLUME LORRAINE DU CORPUS)

Pente des versants : 20°. Couverture : tuiles-canal. Datation : fin XVIIe, début XVIIIe ?

L’entrait d’une ferme à poinçon vient s’assembler à chaque extrémité sur un poteau de fond (assemblage non précisé). Le poinçon, contrairement aux deux exemples précédents, est ici non passant. Chaque arbalétrier est raidi, sous la panne intermédiaire haute, par deux jambettes obliques. Les pannes « sablières » posent sur les extrémités de l’entrait par l’intermédiaire ou non de cales.

Les bas-côtés sont franchis par de simples arbalétriers, encastrés dans les gouttereaux et assemblés à bout ou à tenon passant (sinon à mi-bois, le dessin ne permettant pas de trancher) dans le haut des poteaux sous l’entrait. Ces arbalétriers portent une panne intermédiaire basse.

Des aisseliers incurvés viennent affermir les angles entre poteaux et entrait d’une part et poteaux et arbalétriers de bas-côté d’autre part (sauf pour le bas-côté gauche où l’on distingue une sorte de console). La faîtière est soulagée par des liens longitudinaux.

TYPE Ia, No 4 : CHALAINES, MEUSE. ELÉVATION DE CHARPENTE DE TYPE HALLE (SOURCE : MONOGRAPHIE LO 20 DU VOLUME LORRAINE DU CORPUS)

Maison à développement en profondeur, mitoyenne sur un côté seulement. Dim. ext. : 9,10 m en gouttereau, 19,50 m en pignon. Deux façades : l’une en gouttereau, sur rue, l’autre dans le pignon libre. Subdivisions fonctionnelles longitudinales (parallèles aux gouttereaux). Hauteur du faîtage : 9 m. Pentes des versants dissymétriques : 17° et 22°. Couverture : tuiles-canal. Datation : fin XVIIIe (encadrement à linteau délardé en arc segmentaire) – début XIXe (encadrement à linteau rectiligne).

Une élévation de charpente divise le bâtiment en deux travées de plan inégales.

L’entrait d’une ferme à poinçon (non passant) vient s’assembler, à chaque extrémité, sur un poteau (assemblage non précisé). Les arbalétriers s’assemblent aux extrémités de l’entrait. La ferme est raidie par des contrefiches et des jambettes obliques (une jambette sous la panne intermédiaire haute). Un poteau vient renforcer l’entrait juste sous le poinçon. les pannes « sablières » reposent sur les extrémités de l’entrait.

Les bas-côtés sont franchis par de simples arbalétriers encastrés dans les gouttereaux et assemblés dans les poteaux sous l’assemblage de l’entrait. L’arbalétrier de gauche, plus long que celui de droite, porte deux pannes intermédiaires basses au lieu d’une seule.

Un aisselier renforce l’angle entre le poteau de gauche et l’entrait. Il manque à droite.

On note l’absence de tout lien longitudinal.

TYPE Ia MODIFIÉ, No 5 : CHASSEY-BEAUPRÉ. ELÉVATION DE TYPE HALLE (SOURCE : VILLAGES ET MAISONS DE LORRAINE)

Elévation de charpente composée d’une nef délimitée par une ferme à poinçon passant, sur deux poteaux (datation : fin XVIIe – début XVIIIe), augmentée de deux bas-côtés à arbalétriers (au XIXe).

Les arbalétriers de la ferme centrale sont raidis par une jambette oblique. Les angles poteaux/entrait sont affermis par des aisseliers.

Chaque arbalétrier de bas-côté est posé à un bout sur l’arbalétrier de la ferme centrale et à l’autre bout sur un poinçon reposant sur la sablière d’un refend transversal. Il prend appui également sur la « sablière » portée par l’entrait de la ferme centrale. Les gouttereaux ne portent que les chevrons.

L’adjonction de deux vastes bas-côtés à la nef centrale (en remplacement peut-être de deux bas-côtés plus étroits) a entraîné une atténuation de la pente des versants (de 33° à 23°) et le remplacement d’une couverture de laves par une couverture de tuiles-canal.

TYPE Ib, No 1 : LIEU DIT DERRIÈRE-LA-VILLE, FRÉMONVILLE, MEURTHE-ET-MOSELLE. ELÉVATION DE CHARPENTE DE TYPE HALLE (SOURCE : MONOGRAPHIE LO 37 DU VOLUME LORRAINE DU CORPUS)

Maison à développement en profondeur, à façade en gouttereau, sur rue. Un pignon mitoyen, l’autre libre. Dim. ext. : 15,35 m en gouttereau, 23,50 m en pignon (19,20 m en faisant abstraction de la porcherie ajoutée contre le gouttereau arrière). Hauteur du faîtage : 9,80 m. Pente : 24 °. Couverture : tuiles mécaniques(sans doute en remplacement de tuiles-canal). Datation : début du XVIIIe siècle (millésime 1724 sur le linteau de l’entrée).

Une seule élévation de charpente existe, vers le pignon est, faisant la séparation entre les subdivisions tranversales de la grange et de l’écurie. On peut supposer l’existence ancienne d’une deuxième élévation, vers le pignon ouest, vu la distance entre les pignons.

Les poteaux de fond sont terminés par une profonde fourche artificielle, destinée à recevoir tout d’abord le bout tenoné de l’entrait d’une ferme à poinçon, ensuite le bout en T de l’arbalétrier de bas-côté. On remarque, au bas de l’enfourchement, une saillie en forme de console, destinée à mieux asseoir l’entrait. Sur le haut de la fourche, pose enfin la panne « sablière ». Des aisseliers transversaux affermissent l’angle poteau/entrait; des liens longitudinaux soulagent les pannes « sablières » et la panne faîtière.

Le dessin, pas plus que le texte d’accompagnement, ne permettent de préciser si les assemblages par enfourchement sont chevillés.

TYPE Ib, No 2 : ELÉVATION DE CHARPENTE DE TYPE HALLE, NON LOCALISÉE (SOURCE : JEAN-YVES CHAUVET, VIVRE LA MAISON LORRAINE, 1981) (9)

Datation : début du XVIIIe au plus tard.

Deux poteaux de fond (pour la nef) portent, dans un enfourchement artificiel, l’entrait d’une ferme à poinçon et les arbalétriers de bas-côté, puis, pour finir, à leur sommet, les pannes « sablières ».

Les poteaux, posés sur des soubassements maçonnés, ont leur section réduite dans le tiers supérieur. Leur tête est creusée d’une profonde fourche. Celle-ci reçoit l’extrémité, à tenon en T, d’un entrait. Une saillie en forme de console, à la base de l’enfourchement, renforce la surface d’appui de l’entrait. L’assemblage est chevillé.

Au milieu de l’entrait, est fixé un poinçon portant la panne faîtière. Les deux arbalétriers de la ferme, choisis arqués, sont raidis par des jambettes obliques terminées par un tenon passant jouant le rôle d’une échantignolle pour la panne intermédiaire haute.

L’extrémité, à tenon en T, des arbalétriers de bas-côté vient s’encastrer dans le haut de l’enfourchement. l’assemblage est chevillé. Chaque arbalétrier porte une panne intermédiaire basse. Le haut de l’enfourchement porte, pour finir, la panne « sablière ». Dans cette position, les arbalétriers de bas-côté assurent le contreventement transversal de l’ensemble poteau/ferme.

Les angles poteau/entrait et poteau/arbalétrier de bas-côté sont affermis par des aisseliers dont le bas repose sur une saillie en console. Des liens longitudinaux renforcent les angles poteau/panne « sablière » et poinçon/panne faîtière.

TYPE Ib, No 3 : ELÉVATION DE CHARPENTE DE TYPE HALLE NON LOCALISÉE (SOURCE : VILLAGES ET MAISONS DE LORRAINE)

Profondeur du bâtiment : env. 23 m. Hauteur du faîtage : env. 9 m. Datation : début du XVIIIe siècle ( ?).

Deux poteaux de fond portent, dans un enfourchement renforcé à la base par une console, l’entrait d’une ferme à poinçon et les arbalétriers de bas-côté, puis, pour finir, à leur sommet, les pannes « sablières ».

Les arbalétriers de la ferme de la nef étant de faible section, des jambettes verticales ont été ménagées au droit des pannes intermédiaires hautes.

Les arbalétriers de bas-côté font saillie à l’extérieur des gouttereaux, formant auvent. L’arbalétrier de bas-côté de droite est plus long que celui de gauche, ce qui a entraîné l’interpolation d’un poteau de soutènement intermédiaire renforcé par deux contrefiches.

Des liens longitudinaux renforcent les angles poteau/« sablière », poinçon/faîtière, jambette/panne intermédiaire haute.

DEUXIÈME MODE DE FRANCHISSEMENT DES BAS-CÔTÉS : PAR DES CHEVRONS (TYPE II)

A l’intérieur de cette catégorie, nous avons discerné deux types en fonction de l’absence ou de la présence de poteaux de soutènement sous les chevrons de bas-côté.

Dans un type comme dans l’autre, on a une ferme à poinçon sur poteaux et les pannes « sablières » portées par l’entrait.

Dans le type IIa, les bas-côtés sont franchis par les seuls chevrons prenant appui sur les gouttereaux.

Dans le type IIb, les bas-côtés dont franchis par les chevrons soutenus par un poteau intermédiaire.

TYPE IIa, No 1 : ELÉVATION DE CHARPENTE DE TYPE HALLE SE RENCONTRANT DANS LA RÉGION DE NEUFCHATEAU, VOSGES, SOUS TOIT DE LAUSES (SOURCE : VILLAGES ET MAISONS DE LORRAINE)

Pente des versants : 30°. Datation : le type existe déjà à la fin du XVIIe siècle et au début du XVIIIe.

La nef est obtenue par deux poteaux portant l’entrait d’une ferme à poinçon à tenon passant; les bas-côtés sont réalisés par le prolongement des chevrons dont le bout repose sur le haut des gouttereaux.

Les poteaux sont non pas verticaux mais légèrement obliques pour aider au contreventement transversal. Des aisseliers raidissent l’angle poteau/entrait. L’entrait porte à ses extrémités les pannes « sablières ». Des jambettes raidissent les arbalétriers de la ferme sous les pannes intermédiaires hautes.

Les gouttereaux sont à peine détachés des poteaux de fond : un écart plus important nécessiterait l’interpolation de poteaux de soutènement.

TYPE IIa, No 2 : REBEUVILLE, VOSGES. ELÉVATION DE CHARPENTE DE TYPE HALLE (SOURCE : MONOGRAPHIE LO 26 DU VOLUME LORRAINE DU CORPUS)

Maison à développement en profondeur, à façade en gouttereau, sur rue. Pignons mitoyens. Dim. ext. : 9,11 m en gouttereau, 17,60 m en pignon. Une seule élévation de charpente déterminant, avec les pignons, deux travées. Hauteur du faîtage : 10,50 m. Subdivisions fonctionnelles transversales. Pente des versants : 32°. Couverture : lauses à l’origine, tuiles mécaniques aujourd’hui. Datation : fin du XVIIIe siècle (arc segmentaire présent aux couvrements des baies).

La nef est obtenue par une ferme à poinçon portée par deux poteaux. Les bas-côtés sont obtenus par le prolongement des chevrons, dont l’extrémité repose sur le haut des gouttereaux. La nef est disproportionnée par rapport aux bas-côtés.

Les pannes « sablières » posent sur les extrémités de l’entrait. Des aisseliers raidissent les angles poteau/entrait. En raison des importantes dimensions de la ferme, laquelle porte trois cours de pannes sur chaque versant, trois séries de contrefiches viennent raidir les arbalétriers sous les pannes; s’y ajoute une jambette verticale sous la panne intermédiaire médiane.

On note l’absence de tout lien longitudinal.

TYPE IIb, No 1 : VILLOUXEL, VOSGES. ELÉVATION DE CHARPENTE DE TYPE HALLE (SOURCE : MONOGRAPHIE LO 29 DU VOLUME LORRAINE DU CORPUS)

Maison à développement en profondeur, à façade en gouttereau, sur rue. Un pignon libre, l’autre mitoyen. Dim. ext. : 10,60 m en gouttereau, 14,60 m en pignon. Une seule élévation de charpente déterminant, avec les pignons, deux travées structurelles. Subdivisions fonctionnelles transversales. Hauteur de faîtage : 8,60 m. Pente des versants : 33°. Couverture : lauses à l’origine, tuiles mécaniques aujourd’hui. Datation : fin du XVIIIe siècle (linteau délardé en arc segmentaire aux couvrements des baies).

La nef est marquée par une ferme à poinçon et contrefiches portée par deux poteaux. Les bas-côtés sont obtenus par le prolongement des chevrons. Les extrémités de l’entrait portent les pannes « sablières ».

À la différence du type précédent (IIa), les bas-côtés, étant plus larges, ont leurs chevrons soutenus à mi-distance environ entre poteau de nef et gouttereau par un poteau intermédiaire portant une panne et renforcé de contrefiches.

L’angle poteau de nef/entrait est affermi par un aisselier. On note l’absence de tout lien ou contreventement longitudinal.

TROISIÈME MODE DE FRANCHISSEMENT DES BAS-CÔTÉS : PAR DES DEMI-FERMES (TYPE III)

Dans cette catégorie, la nef est franchie par des fermes à poinçon sur poteaux, ces derniers portant également les pannes « sablières ». Les bas-côtés sont franchis par des demi-fermes.

Il semble s’agir d’un solution tardive (XIXe siècle).

TYPE III, No 1 : LE CLAON, MEUSE. ELEVATION DE CHARPENTE DE TYPE HALLE (SOURCE : MONOGRAPHIE LO 26 DU VOLUME LORRAINE DU CORPUS)

Grange-étable aux ouvertures en gouttereau. Dim. ext. : 17,50 m en gouttereau, 12,30 m en pignon. Hauteur du faîtage : 9,85 m. Pente des versants : 21°. Couverture : en tuiles-canal. Divisions fonctionnelles transversales. Date de construction : 1870.

La partie grange comporte une élévation de charpente constituée de deux poteaux de fond portant une ferme à poinçon (pour la nef) et de deux demi-fermes (pour les bas-côtés). Les gouttereaux sont en maçonnerie. Les poteaux, hauts de 8 m environ et dressés sur des dés, portent les pannes « sablières ». Les angles entrait/poteau sont raidis par des aisseliers.

Le demi-entrait de chaque bas-côté s’assemble dans le poteau de fond.

Au tiers de la hauteur des poteaux, on note une entretoise allant d’un gouttereau à l’autre et qui servait à établir le plancher d’un fenil ou d’un pailler (en plus de son rôle de contreventement transversal).

On ne note aucun contreventement longitudinal.

TYPE III, No 2 : FOUCAUCOURT-SUR-THABAS, MEUSE. ELEVATION DE CHARPENTE DE TYPE HALLE (SOURCE : MONOGRAPHIE LO 25 DU VOLUME LORRAINE DU CORPUS)

Maison à développement en profondeur comportant, dans la partie grange, une élévation de charpente remplie par un colombage. Hauteur du faîtage : 7,50 m. Date de construction : début du XIXe siècle.

Deux poteaux portent une ferme à poinçon et à jambettes obliques (nef) entre deux demi-fermes (bas-côtés). Les « sablières » sont portées par les poteaux.

Aucun contreventement longitudinal.

Ces diverses monographies n’épuisent certainement pas la variété des charpentes de type halle présentes en Lorraine. Pour rendre compte de celle-ci, des dizaines d’autres monographies de charpentes seraient nécessaires. Encore devraient-elles être étudiées dans le détail de leurs assemblages et surtout leurs éventuelles modifications. Une chronologie précise (dates d’apparition des différents types, dates de leurs modifications, etc.) devrait pouvoir être établie.

Dans l’immédiat, un certain nombre de constatations peuvent être faites quant à la charpente à ferme sur poteaux (c’est-à-dire la charpente de la nef) d’une part et le lien entre la charpente de type halle et le développement en profondeur des maisons d’autre part.

LA CHARPENTE À FERME SUR POTEAUX : CARACTÉRISTIQUES GÉNÉRALES

On peut caractériser comme suit les fermes sur poteaux des charpentes de type halle :
- elles sont toujours à poinçon; celui-ci est assemblé sur l’entrait par un tenon soit simple, soit passant et claveté ;
- les arbalétriers sont généralement raidis, le plus souvent par une ou deux jambettes, parfois par des contrefiches en chevron, dans quelques cas par la combinaison des deux ;
- l’entrait est porté par les poteaux de fond; ceux-ci s’emboîtent dans l’entrait par un assemblage à tenon et mortaise ou bien se terminent par un enfourchement recevant le bout en T de l’entrait;
- les angles poteau/entrait sont toujours raidis par des aisseliers ;
- les pentes rencontrées avec ces fermes vont de 21° à 33°.

Le poinçon à tenon passant claveté se rencontre à la fin du XVIIe siècle et au début du XVIIIe, jamais après semble-t-il.

L’assemblage par enfourchement et à mi-bois de l’entrait dans le poteau de fond (assemblage en T) se rencontre au début du XVIIIe siècle. Le manque de relevésde ce type d’assemblage ne permet pas de dire avec certitude s’il est apparu plus tôt et s’il a continué d’être utilisé tout au long du XVIIIe.

DE LA CHARPENTE À FERME SUR POTEAUX À LA CHARPENTE DE TYPE HALLE

Les recherches conduites par l’Inventaire de Lorraine, jointes à nos propres conclusions, permettent d’élaborer un schéma expliquant la genèse de trois variétés de charpente de type halle à partir de la seule charpente à ferme sur poteaux (encore s’agit-il de celle à poinçon avec tenon passant).

Au stade originel, n’existe que la charpente de la nef : les murs gouttereaux sont alors accolés aux poteaux et n’ont qu’un rôle d’écran.

L’approfondissement du bâtiment peut se faire par trois moyens :
1/ les gouttereaux peuvent être légèrement détachés des poteaux et les chevrons prolongés ; les bas-côtés sont alors étroits (région de Neufchâteau, Vosges) ;
2/ des arbalétriers de bas-côté peuvent être encastrés en haut des poteaux sous l’entrait ; les bas-côtés sont alors de bonne largeur;
3/ des arbalétriers de bas-côté sont posés sur les arbalétriers de la ferme centrale, solution qui s’applique lorsque la ferme est tès aiguë; elle aboutit à une atténuation de pente (Chassey-Beaupré, Meuse).

Peut-on systématiser ce schéma d’approfondissement ? Rien n’est moins sûr car dans certains des relevés disponibles il ne fait pas de doute que nef et bas-côtés correspondent à une même conception initiale (en particulier lorsque les poteaux sont à enfourchement).

Quoi qu’il en soit, on ne peut que constater que maison en profondeur et charpente de type halle sont intimement liées. Considérant que la reconstruction de l’habitat rural lorrain dévasté par la Guerre de Trente Ans, a commencé dans la deuxième moitié du XVIIe siècle et s’est poursuivie durant tout le XVIIIe, il n’est pas interdit de penser que l’abandon du développement en longueur caractérisant les maisons des XVIe et XVIIe siècles au profit du développement en profondeur dans les nouvelles constructions, est lié en partie à la généralisation et la diffusion des charpentes de type halle à partir de la fin du XVIIe siècle et tout au long du XVIIIe.

NOTES

(1) Cf. Joseph-Stany Gauthier, Les maisons paysannes des vieilles provinces de France, Editions Charles Massin et Cie, Paris, 1944, en part. pp. 203-206.

(2) Cf. Xavier de Planhol, L’habitat et l’habitation rurale de type lorrain, rapport S.I., OREAM-Lorraine.

(3) C’est pourquoi, pour éviter toute confusion, les termes du français régional « rang » ou « place » nous paraissent préférables.

(4) Cf. Christian Lassure, Une « maison-halle » des XVIe-XVIIe siècles ( ?) à Saint-Jean-de-Bonneval (Aube); A propos des « maisons-halle » du Berry : la « maison carrée » de Villegenon, commune de Vailly-sur-Sauldre (Cher); Une « maison-halle » à Montcaret (Dordogne); A propos des « maisons-halle » du Berry : un rare témoin à Saint-Phalier, commune de Levroux (Indre); Y a-t-il eu des « maisons-halle » en Béarn ?, dans L’Architecture vernaculaire, t. V, 1981, pp. 21-32; 33-34; 35-36; 57-58; 65; Les « maisons-halle » en Saintonge et en Angoumois à la lumière de relevés anciens et récents, dans L’Architecture vernaculaire, t. VI, 1982, pp. 34-40.

(5) Cf. Luc Breuillé et al., Maisons paysannes et vie traditionnelle en Auvergne, Editions CREER, Nonette, 1980, en part. pp. 435-437; Jean Loubergé, La maison rurale dans les Landes, Editions CREER, Nonette, 1982, en part. p. 31.

(6) Claude Gérard, Lorraine, L’architecture rurale française, corpus des genres, des types et des variantes, vol. 5, Ed. Berger-Levrault, Paris, 1981; Bruno Malinverno, charpente et modes de chauffage dans l’architecture rurale lorraine, dans Villages et maisons de Lorraine, Actes du colloque de Nancy (22-24 octobre 1981), Presses universitaires de Nancy, Editions Serpenoise, 1982, pp. 131-145.

(7) Signalons également que l’une et l’autre étude restent très discrètes quant à la terminologie vernaculaire de la charpente en Lorraine. Le « glossaire » du volume Lorraine du Corpus ne recense que la seule expression « homme debout », à l’exclusion de tout autre terme, qu’il s’agisse de patois roman ou de français régional. Bruno Malinverno, pour sa part, laisse de côté les terminologies locales. Si l’on se tourne vers un article de Jean Lanher, « Un vocabulaire de la maison lorraine », dans le même ouvrage collectif, on reste sur l’impression que les maisons en Lorraine ont une toiture mais n’ont pas de charpente…

(8) Nous appelons ces pannes « sablières » car elles se trouvent au sommet des files de poteaux encadrant la nef et dans le même plan qu’eux.

(9) Une élévation quasiment identique se trouve dans le volume Lorraine du Corpus, p. 73.

DISCUSSION

Parution initiale : L’Architecture vernaculaire, t. VIII, 1984, pp. 15-16 (Courrier des lecteurs)

Suite à la publication de l’article de monsieur Christian Lassure sur l’existence de charpentes de type halle en Lorraine (La tradition supra-régionale des maisons-halle en Lorraine…, dans L’Architecture vernaculaire, t. VII, 1983, pp. 39-51), monsieur Jean-Yves Chauvet, responsable de la délégation mosellanne de l’association Maisons paysannes de France, a adressé à celui-ci la mise au point suivante (lettre en date du 10 janvier 1985).

Comme il se doit, je n’ai pas manqué de lire avec un grand soin votre texte sur les charpentes lorraines. Comme vous, je déplore que l’étude de la charpente ne soit pas plus sytématique, car elle délivrerait bien des clés de l’architecture paysanne. Vous avez bien raison de montrer que la charpente lorraine n’a rien d’exclusif, il est vrai que le fait régional devient excessif, combien de fois ai-je pu me plaindre de voir le public s’imaginer que les crépis à la chaux aérienne que nous travaillons étaient des « crépis lorrains » !

Cela dit, je pense que s’il fallait classer la maison lorraine à partir de ses seules caractéristiques de charpenterie, il vaudrait mieux parler de maison à charpente auto-porteuse sur poteaux, que de maisons à nef et bas-côtés, notion que la fonction de la maison lorraine rejette catégoriquement.Je crois en effet qu’une structure ne peut se concevoir qu’à travers son sens fonctionnel.

Dans la maison lorraine, la présence des poteaux ne divise pas l’espace en nef et bas-côtés, pour la simple raison que le découpage en travées s’effectue parallèlement aux fermes, interdisant à la charpente de jouer sa fonction créatrice d’une nef à bas-côtés. L’existence de charpentes à poteaux uniques sous faîtage va plus loin dans la négation de l’idée de maison lorraine à nef et bas-côtés, et cela d’autant que le type de maison de laboureur à trois travées est loin d’être unique, et que les maisons à une, deux ou quatre travées affirment une identité tout autant lorraine que lui.

Par ailleurs, l’aire d’extension de la maison lorraine à ossature interne ne coïncide pas exactement avec l’aire d’expression du type d’habitat lorrain, et c’est ainsi que toutes les maisons de l’Est mosellan germanophone sont manifestement lorraines par leurs caractères généraux, et par le type d’urbanisme des villages qui les rassemblent, alors qu’elles comportent des charpentes à fermes à l’Allemande, à reprise de force oblique, sous des toitures à forte pente et à tuile écaille.

Réduire l’analyse de la maison lorraine au simple classement des charpentes me paraît bien illusoire si cela doit conduire à la négation d’un type architectural bien défini à la fois dans son aire régionale et dans ses variations.

La maison lorraine existe sans le moindre doute, même si bon nombre de ses critères de détermination ne sont pas exclusivement régionaux (tuiles, portes de grange, charpentes, etc.). Il en va d’ailleurs ainsi pour toute forme d’habitat, qu’il faut toujours considérer avec esprit de synthèse, partant de la perception de la résultante de tous les facteurs agissants.

La maison lorraine se définit par un ensemble de faits : charpente, découpage des travées en profondeur, pente du toit et tuile ronde délimitant un îlot de tuiles méditerranénnes, exceptionnel en France du Nord, typologie et composition es ouvertures, présence de la « flamande », relation avec les espaces extérieurs, urbanisme très particulier des villages, solidarité structurelle et fonctionnelle des maisons, etc. Même si certains éléments constitutifs de la maison doivent se considérer dans leur universalité, l’ensemble conjugué de la maison n’en relève pas moins d’un type architectural qui peut revendiquer une identité régionale et dont on ne peut trouver d’autres manifestations qu’en Lorraine.

Réponse de monsieur Christian Lassure : la lettre de monsieur Chauvet nous fournit l’occasion de préciser un certain nombre de points relatifs aux maisons rurales à double file axiale de poteaux portant fermes en Lorraine.

Nous avons pris soin, dans notre étude, de distinguer la charpente ou structure porteuse, créatrice d’une division constructive longitudinale en nef et bas-côtés, des refends transversaux, créateurs d’une division fonctionnelle en travées d’occupation. Il apparaît évident que la structure porteuse préexiste aux refends non porteurs et, partant, que la division constructive préexiste à la division fonctionnelle. Si structure porteuse et division constructive sont occultées au niveau du rez-de-chaussée, il n’en reste pas moins qu’elles se manifestent clairement dès que l’on monte dans les combles. La nef et les bas-côtés d’une église ne cesseraient pas d’exister pour autant qu’on ait élevé des murs de refend entre les travées de plan !

Comme nous le faisait remarquer le Professeur Karl Baumgarten (lettre en date du 31 décembre 1984), les maisons lorraines à double file de poteaux portant fermes sont en définitive « une forme mixte de ‘construction-halle’ et de ‘structure à cellules’ » (c’est-à-dire à cellules transversales). Cette forme mixte n’est d’ailleurs pas propre à la Lorraine : nous avons fait le relevé, dans le Châtillonnais (en Côte-d’Or), d’une maison de type halle présentant une division fonctionnelle transversale (cf. Christian Lassure et Bernard Viry, Une grande à dîmes du XVIe siècle à Poncey-sur-l’Ignon (Côte-d’Or), dans L’Architecture vernaculaire, t. IX, 1985, à paraître).

Pour ces diverses raisons, nous ne saurions souscrire à l’idée qu’un bâtiment ne peut se concevoir qu’à travers son sens fonctionnel. Sans charpente, sans structure porteuse, il n’est pas de divisions fonctionnelles qui tiennent !

Deuxième point, monsieur Chauvet écrit : « L’existence de charpentes à poteaux uniques sous faîtage va plus loin dans la négation de l’idée de maison lorraine à nef et bas-côtés ». Cette phrase laisse entendre que nous aurions affirmé que toutes les maisons lorraines étaient de type halle. Cela n’est aucunement le cas. Nous avions signalé, dès notre introduction, l’existence en Lorraine de charpentes à poteaux de faîte, relevant d’une tradition également observable en Auvergne, en Gascogne, en Charente, etc. Le volume Lorraine du Corpus de l’architecture rurale française fournit, dans sa partie Monographies, un grand nombre d’exemples de maisons utilisant ce type de charpente. Qu’on nous permette donc de reprendre l’affirmation de monsieur Chauvet, mais en amputant celle-ci des quatre derniers mots : « L’existence de charpentes à poteaux uniques sous faîtage va plus loin dans la négation de l’idée de maison lorraine ».

Travée d'exploitation d'une maison villageoise à Saint-Pierremont (Vosges) : l'effondrement de la façade sous un obus révèle un des poteaux de fond axiaux et ses deux arbalétriers, dont l'un a son extrémité basse qui pend dans le vide. La division fonctionnelle transversale, ici également, se moque de la division constructive.

N’ayant pas reçu la foi en « la maison provinciale » à la suite d’une quelconque illumination (du genre « la maison lorraine existe, je l’ai rencontrée »), n’ayant rien trouvé d’approchant de « la maison lorraine » dans la maison de Jeanne d’Arc à Domrémy mais nous efforçant de voir les choses dans un contexte supra-régional et dans leur dimension historique, nous renvoyons les tenants du régionalisme à notre texte «L’intangible trinité : la maison ‘traditionnelle', la maison ‘de pays’, la maison ‘paysanne’ », inséré dans le présent volume.

Enfin, qu’il nous soit permis d’ajouter que nous sommes convaincu que l’étude des maisons rurales en Lorraine ne progressera et ne sortira de la mythologie régionaliste que lorsqu’une véritable archéologie de la maison aura vu le jour dans cette province, mettant à la disposition du spécialiste un nombre suffisant de monographies architecturales « archéologiques » restituant les étapes de construction ou de reconstruction, les modifications, les accroissements, etc., des bâtiments et faisant apparaître des schémas d’évolution.


Pour imprimer, passer en format paysage
To print, use landscape mode

© CERAV
Le 25 avril 2008 / April 25th, 2008

Référence à citer :

Christian Lassure
La tradition supra-régionale des maisons-halle en Lorraine : un accroc au mythe régionaliste de « la maison rurale de type lorrain » (The supra-regional tradition of aisled houses in Lorraine: The regionalistic myth of "the Lorraine-type rural house" hits a snag)
http://www.pierreseche.com/mythe_maison_lorraine.htm
25 avril 2008

page d'accueil                    sommaire architecture vernaculaire

 

ARCHITECTURE VERNACULAIRE

CERAV