COMPTE RENDU

Christian Lhuisset, L’architecture rurale en Languedoc, en Roussillon,

Les Provinciales, 1980, 400 p.

Parution initiale dans L’Architecture vernaculaire, tome V, 1981

Ce volumineux ouvrage, premier d’une nouvelle maison d’édition fondée par Christian Lhuisset (Jacques Fréal en étant le conseiller technique), est tout à fait illustratif de ce que produit depuis une dizaine d’années l’édition française visant le grand public s’intéressant – dans le contexte du régionalisme et du ruralisme ambiants – à l’architecture rurale : une présentation et une iconographie luxueuses contrastant avec la superficialité de la description et de l’analyse.

En l’occurrence, C. Lhuisset a cherché à faire pour le Languedoc et le Roussillon ce que Jean-Luc Massot avait fait pour la Provence. Chez l’un comme l’autre, on retrouve la même optique dominante, celle de l’architecte, les mêmes chapitres (« Conditions historiques », « Domaine bâti » , « Eléments de synthèse »), le même type de relevé architectural (saisissant le bâtiment comme un tout d’un seul tenant plutôt qu’en restituant la croissance organique, les modifications), la même ambition encyclopédique (attestée par les importants dépouillements et emprunts bibliographiques) et les mêmes maisons (dans leur vaste majorité celles du XIXe siècle, copies de modèles urbains). Là où C. Lhuisset se démarque de J.-L. Massot, c’est dans une présentation plus systématique de l’habitat par régions, ce qui est, somme toute, une solution bien commode pour exploiter une bibliographie d’articles se cantonnant généralement à l’étude des maisons par « petits pays » ou par régions. À défaut de se livrer à une analyse précise et minutieuse de l’évolution des plans, des techniques et des matériaux depuis le début des Temps Modernes, ce à l’aide de monographies de témoins choisis pour leur ancienneté et leur rareté, l’auteur se contente donc de décrire ces maisons que l’Enquête sur les conditions de l’habitation en France de de Foville qualifiait de « maisons modernes », de « nouveaux types » (par opposition aux « maisons anciennes », aux « maisons d’autrefois »), et de faire précéder sa description d’un rapide survol de l’évolution économique des campagnes depuis la Préhistoire jusqu’à l’aube du XXe siècle, chapitre qui ne saurait faire illusion, malgré l’emprunt pertinent aux précieuses remarques d’un Paul Cayla sur les maisons des XVIIe et XVIIIe siècles dans l’Aude (1) (d’autres emprunts sont moins heureux par contre, ainsi les « hypothèses de toitures » de maisons du Chalcolithique de Jean Gascó, allant du berceau de verdure à la voûte apparemment clavée présentée comme voûte d’encorbellement…) (2).

La cabane en pierres sèches, puisqu’il faut en parler, se retrouve dans la catégorie de l’ « habitat élémentaire », après le « mazet » et « cabanes de pêcheurs ». Si, pour ces dernières, l’on sent que l’auteur pencherait plutôt pour une tradition venant du fond des âges (« A l’écart du temps, des hommes, des pêcheurs vivaient un genre de vie si proche d’un monde primitif que rien ne semblait l’avoir bouleversé depuis de siècles », peut-on lire p.86), en revanche, pour les cabanes de pierre sèche, l’on sent qu’une élémentaire prudence s’essaye à y voir un phénomène récent, difficilement antérieur au XVIIe siècle. De toute évidence, C. Lhuisset a su tirer parti des publications éditées par le C.E.R.A.P.S./C.E.R.A.R. depuis 1977. Les douzes pages abondamment documentées et illustrées consacrées au sujet en font foi, qui sont d’une très honnête tenue, intégrant les recherches de Paul Marcelin pour la garrigue de Nîmes, celles d’André Cablat pour l’Hérault, celle de Pierre Ponsich et d’Anny de Pous pour les Pyrénées-Orientales et enfin les articles de fond de la présente revue pour l’étude des techniques. On regrettera toutefois le peu d’éléments tant textuels qu’iconographiques concernant les capitelles de Nîmes, haut lieu de l’architecture de pierre sèche, et la part trop grande accordée à l’Hérault. Sans doute faut-il incriminer l’absence de toute publication sérieuse depuis celles, déjà anciennes, de P. Marcelin. En tout cas, sachons gré à C. Lhuisset d’avoir fait fi des élucubrations archéologisantes d’un Maurice Louis.

Ceci dit, l’impression générale qui se dégage de la tentative de synthèse de C. Lhuisset, est celle d’un vaste travail de documentation bibliographique, de compilation livresque et d’étude du terrain, mais malheuresement venu trop tôt dans un domaine où les recherches historiques sont tout juste entamées. Indubitablement, il faudra attendre encore quelques années pour que soit enfin publié pour le Languedoc et le Roussillon (si tant est que le choix d’une telle aire ait un sens autre que la recherche d’un public aussi vaste que possible) un ouvrage de vulgarisation d’un niveau aussi satisfaisant et d’un contenu aussi instructif que ceux d’un livre tel que Nos fermes se racontent édité en 1978 chez Pierre Mardaga, sous la plume de Vic Goedseels et Luc Vanhaute.

NOTES

(1) Paul Cayla, Dictionnaire des institutions, des coutumes, de la langue en usage dans quelques pays du Languedoc de 1535 à 1648, Montpellier, 1964, en part. pp. 435-438.

(2) Jean Gascó, La communauté paysanne de Fontbouisse, Laboratoire de préhistoire et de palethnologie, Carcassonne, 1976, 204 p., en part. pp. 146-169.


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Référence à citer / To be referenced as :

Christian Lassure
compte rendu de Christian Lhuisset, L’architecture rurale en Languedoc, en Roussillon, Les Provinciales, 1980, 400 p.
http://www.pierreseche.com/christian_lhuisset.htm

Parution initiale dans L’Architecture vernaculaire, tome V, 1981


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