ON A MARCHÉ SUR LA TOITURE !

NOUVEAUX EXEMPLES DE CABANES DÉTOITURÉES

Texte de Christian Lassure

Une maison doit être bien bottée,
bien chapeautée.

(vieil adage des métiers du bâtiment)

Source : Carte postale No 7406 des Editions « Allain », 26, quai Saint-Vincent – 69001 LYON (légende au dos : « BORIE » de Haute Provence – Cabanons de pierres plates empilées à sec. Ces habitations très anciennes servent maintenant d’abris ou de bergeries).

Il est difficile de déterminer le plan exact de cette bâtisse figurant sur une carte postale des années 1970-80, faute de vues autres que celle de sa façade. Peut-être un corps de base quadrangulaire aux angles arrondis ?

Quoi qu’il en soit, l’édifice n’est plus qu’un pâle reflet de ce qu’il fut : sa couverture conique de lauses a en grande partie été retirée par quelque récupérateur, découvrant le mamelon formé par l’extrados de la voûte d’encorbellement. L’amoncellement hirsute des lauses calcaires jonchant le pourtour de l’ancienne rive de toiture, sans oublier le cône d’éboulis contre le côté droit de l’édifice, sont autant de preuves que cette ruine servait ou avait servi de carrière lorsque la photo fut prise à la fin des années 1970 ou au début des années 1980.

Un détail architectural retient également l’attention : le couvrement de l’entrée, obtenu par une grosse dalle arquée soutenue de part et d’autre par deux gros blocs effilés, inclinés en sens opposés et aux pointes s’avançant à la façon de corbeaux : cet ingénieux système permet de donner plus de largeur à l’entrée mais aussi de stabiliser des montants confectionnés en plaquettes bien minces.

Source : Claude Bouet, Rapport sur les paysages du bocage lithique des garrigues bas languedociennes, Ministère de l’environnement, Mission du paysage, Novembre 1993, planche « Les cabanes d’Aubais, photo No 1).


Cette cabane, qui se trouve sur la commune d’Aubais dans le Gard, a été gratifiée de l’appellation de « cabane à degré ». Las, le « degré » en question (qui n’est autre que la retraite ménagée entre le sommet rectangulaire du corps de base et le pourtour circulaire de l’extrados parementé de la voûte d’encorbellement), a été révélé au grand jour par l’extirpation méthodique de l’ancienne couverture de lauses.

A la place du mamelon pointu, il faut imaginer en fait une toiture en forme de cône ou de pavillon (sinon une combinaison des deux), rien de très original sur le plan morphologique. On est donc bien loin d’une appartenance à ce que le découvreur de cette cabane appelle « le style du Sommiérois-Vaunage (forme cubique basale, surmontée d’une tourelle-chapeau verticale ou en fruit »...).

Outre l’aspect ruinesque de la bâtisse, on note les deux dalles obliques affrontées en bâtière au-dessus de l’entrée axiale : comme il y a plusieurs assises de pierres entre le linteau et la bâtière, on peut penser qu’on a affaire davantage à un jour (pour éclairer l’intérieur quand la porte en bois est fermée) qu’à un triangle de décharge.

Elles en ont stupéfait plus d’un, les deux bâtisses accolées du lieu-dit « Les cabanes » à Valojoulx en Dordogne, avec leurs deux protubérances sommitales aux pierres saillantes. Pourtant, il ne s’agit pas d’une fantaisie architecturale : chaque protubérance n’est que l’extrados d’une voûte d’encorbellement mis à nu par l’enlèvement des lauses de la couverture. D’ailleurs, on aperçoit encore quelques débris de lauses à la base du pain de sucre de la cabane de droite.

Il est certain que ces fragiles superstructures ne résisteront pas éternellement aux intempéries et à la pesanteur. C’est d’autant plus regrettable que l’ensemble est représentatif d’un type d’habitation ayant existé en Dordogne et dans le haut Quercy, l’habitation d’indigents célibataires ou veufs, puisqu’il fut jadis (au début du XIXe siècle) la demeure d’une pauvresse : la cabane de gauche servait de cuisine, celle de droite de chambre, la communication entre elles se faisant par un couloir intérieur.

Source : Photo publiée dans Maisons paysannes de France, 26e année, 2e trimestre 1991, no 100, p. 8.

 
Non seulement on a marché sur la toiture de la cabane au premier plan mais on a délesté de ses lauses de couverture la moitié supérieure du cône, laissant ainsi apparaître l’extrados de la voûte encorbellée.

Sous les pieds des récupérateurs, les lauses de l’assise supérieure de la partie conservée ont glissé et restent en équilibre instable.

La cabane de l’arrière-plan, encore intacte, nous donne une idée de ce à quoi ressemblait sa voisine avant d’être partiellement déshabillée (il n’est pas exclu d’ailleurs qu’on ait déshabillé Pierre pour habiller Paul).

Pierre et Paul sont deux cabanes de la partie italienne de l’Istrie.

Source : Le « casite ». Un censimento per la memoria storica (à cura di Luciano Lago), Unione Italiana-Fiume – Università populare di Trieste, 1994, en part. photo p. 29.

© Christian Lassure (texte uniquement) - CERAV
Le 20 janvier 2007 / January 20th, 2007

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